Auteur/autrice : Patrimoine normand

Le Pont-l’Évêque – Un carré d’histoire normande

La fromagerie Martin, à Bourgeauville (Calvados), est l’une des cinq dernières exploitations à produire du Pont-l’Évêque fermier. (© Damien Bouet)


Damien Bouet

Extrait Patrimoine Normand n°135
Par Damien Bouet.

 

Le Pont-l’Évêque, fromage à pâte molle et croûte lavée, est l’un des plus anciens fromages de Normandie. Son histoire est profondément enracinée dans les traditions rurales et monastiques de la région. Il constitue aujourd’hui un témoin matériel de l’histoire normande et des traditions fromagères françaises.

Des abbayes à la paysannerie ­

Dès le XIIe siècle, les abbayes cisterciennes à l’ouest de Caen produisent un fromage appelé angelot, considéré comme l’ancêtre direct du Pont-l’Évêque. Les moines jouent alors un rôle central dans le perfectionnement des techniques de fabrication, en combinant savoirs empiriques et gestion rigoureuse. L’angelot se distingue des autres fromages par sa pâte molle et son affinage humide, typique des régions à forte hygrométrie. Vers 1230, Guillaume de Lorris écrit : « Les bonnes tables étaient toujours garnies au dessert de fromages angelots ». Progressivement, les fermes locales vont s’approprier la recette. Ce fromage s’échangera sur les marchés locaux et participera à l’économie locale.

Largement apprécié par les Parisiens au XVIe siècle, les mentions du fromage « de la ville de Pont-l’Évêque » se multiplient au XVIIe siècle. En 1622, l’écrivain normand Hélie le Cordier lui dédie un poème : « […] Tout le monde également l’aime car il est fait avec tant d’art que, jeune ou vieux, il n’est que crème. » Progressivement, le fromage va se standardiser. La forme carrée est adoptée pour le distinguer des autres productions locales. L’affinage est réalisé en cave humide, ce qui favorise le développement d’une croûte lavée à la flore bactérienne spé…

 

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Le domaine de Champeaux – Un écosystème unique et inclusif

Le manoir de Moïr correspond à l’actuel manoir situé au cœur du domaine de Champeaux. (© Viriginie Michelland)


Virginie Michelland

Extrait Patrimoine Normand n°135
Par Virginie Michelland.

 

Devenue propriétaire en juillet 2020 du domaine de Champeaux, un site de neuf hectares aux portes de Bernay, l’association Accés veille sur un « écosystème unique, durable et inclusif » unique en son genre. Découverte…

Un peu d’histoire

L’association Accés souhaite restituer à ce vaste domaine agricole son aspect de ferme traditionnelle du XIXe siècle. Un hommage à la Normandie ancestrale, inscrit dans une histoire entamée au XVIe siècle par la famille de Malleville. Trois entités se distinguent : la terre de Champeaux et son manoir, le manoir des Bruyères, et celui de Moïr – pièce-maîtresse de l’actuel domaine – bâti en 1622.

En juin 1742, au décès Charles-Hector de Malleville, leur père, Anne de la Bardouillère et sa sœur cadette, Françoise de Nollent, se partagent les trois manoirs. L’aînée se réserve celui de Moïr, vendu en 1745 à Jean Boivin, marchand bernayen, qui complète un peu plus tard son acquisition avec le manoir de la terre de Champeaux. La famille Boivin, devenue Boivin-Champeaux sous le Second Empire, embellit et agrandit l’ensemble. Jean-Charles Boivin fait ainsi surélever le manoir et planter des bois. Son fils Charles (1796-1875) acquiert de nouvelles parcelles et fait passer le domaine de douze à cent hectares en y inté…

 

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La mémoire du fer – Terres rouges entre Laize et Laizon

Saint-Germain-le-Vasson. Le carreau de Soumont, abandonné par la Société des mines de Soumont à la fin des années 1980, est aujourd’hui reconverti en musée de la Mine. (Photo Rodolphe Corbin © Patrimoine Normand)


Mireille Thiesse

Extrait Patrimoine Normand n°135
Par Mireille Thiesse.

 

L’aventure minière du bassin de Saint-Germain-le-Vasson à Soumont-Saint-Quentin, entre la rivière Laize et le Laizon, est une aventure géologique, technique et humaine qui dure environ un siècle. De concessions privées en sociétés qui fusionnent, avec l’aide de capitaux d’outre-Rhin et une main-d’œuvre en majorité polonaise, la vie locale bouleversée sépare « les gens du fer des gens de la terre ».

­­Un siècle d’exploitation minière

Du Couchant au Levant, entre les failles de la Laize et du Laizon, au sud de Caen, le synclinal d’Urville – dont les plissements en creux de l’époque hercynienne, il y a 300 millions d’années, sont orientés de l’ouest-nord-ouest vers l’est-sud-est – comporte une alternance de couches schisteuses et de grès armoricains. Ces roches apparaissent lors de l’érosion des anticlinaux, puis sont recouvertes à l’ère secondaire de couches calcaires. Le synclinal a la forme d’une « cuillère longue de quinze kilomètres d’est en ouest » et s’étale sur une largeur de sept kilomètres, au nord de Potigny. En surface, les couches d’hématite, concentrées en oxyde de fer, sont le plus accessibles aux extrémités du synclinal d’Urville et affleurent notamment à Barbery où des traces d’extraction de l’époque gallo-romaine subsistent. Leur exploitation industrielle débute à l’aube du XXe siècle. Entre les schistes noirs à caly…

 

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La Licorne royale à Lyons-la-Forêt

Étoilé depuis 2014, Christophe Poirier joue les terroirs normands par excellence. (© Jean-Luc Péchinot)


Jean-Luc Péchinot

Extrait Patrimoine Normand n°135
Par Jean-Luc Péchinot.

 

« La plus belle hêtraie de France »… dans « l’un des plus beaux villages de France » : le décor est planté. À Lyons-la-Forêt, aux portes du Vexin normand, La Licorne royale se révèle impériale tant tout n’est là que « luxe, calme et volupté ».

Onze mille hectares d’hêtres heureux. Pour certains, d’une hauteur vertigineuse. Cette verte cathédrale, jadis royale, serait la plus belle hêtraie de France, voire d’Europe. Une, en tout cas « plus grande forêt de Normandie » qui tient de l’écrin pour ce nid de pierres précieuses qu’est la petite cité de Lyons-la-Forêt, « fleur d’or des villes et villages fleuris ». On est là à trente-cinq kilomètres à l’est de Rouen, dans l’un des plus beaux villages de France sous le charme duquel sont tombés, bien après Guillaume le Conquérant, saint Louis et d’autres grands noms des royaumes de France et d’Angleterre, maintes grandes signatures, de Jules Michelet à Jean Renoir, et de Maurice Ravel à Claude Chabrol. Comment ne pas s’extasier sur la splendeur des maisons de briques et colombages de ce lieu de villégiature dont les imposantes halles du XVIIIe siècle à charpente de bois sont un so…

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Cany-Barville – Au pays de Louis Bouilhet

Le château de Cany-Barville, superbe bâtisse de style Louis-XIII. (© Stéphane William Gondoin)


Stéphane William Gondoin

Extrait Patrimoine Normand n°135
Par Stéphane William Gondoin.

 

Il était une fois une commune rurale nichée au fond de la vallée verdoyante de la Durdent, l’un de ces minuscules fleuves côtiers cauchois entaillant profondément le socle du plateau calcaire entre Fécamp et Dieppe. Née en 1827 de la réunion des deux anciennes paroisses éponymes, elle a hérité de leurs histoires respectives et peut s’enorgueillir de la célébrité de l’un de ses enfants.

De nombreuses découvertes archéologiques réalisées aux XVIIIe et XIXe siècles semblent attester de l’existence d’un centre de peuplement secondaire à l’époque gallo-romaine, à l’emplacement actuel du cœur du bourg. Il s’agissait peut-être d’un vicus routier et commercial – selon une intuition de l’abbé Cochet (1812-1875), pionnier de l’archéologie en Normandie –, établi au carrefour d’une voie menant de Grainville-la-Teinturière à la mer et d’une autre partant de Fécamp pour rejoindre le nord de la Gaule

 

Sous l’Ancien Régime

Les premières mentions connues de Cany comme de Barville remontent à la seconde moitié du XIIe siècle, sous le principat en Normandie d’Henri II Plantagenêt (1150-1189). Une dame « Addelicie de Caneio » (Alix de Cany) apparaît vers 1150 dans des actes en faveur de l’abbaye de Jumièges et du prieuré Sainte-Foy de Longueville-sur-Scie. On trouve par ailleurs un « Hugo de Barrevilla » et un « Willelmus de Barrevilla » en 1170, dans la liste des témoins d’une donation du sieur Richard de Canville (à une quinzaine de kilomètres à l’est), en faveur de la même abbaye de Jumièges. Au fil de la docu…

 

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Les Deux Amis – La renaissance d’un cordier cherbourgeois

Les Deux Amis, actuellement en restauration à Port-en-Bessin. (© Damien Bouet)


Damien Bouet

Extrait Patrimoine Normand n°135
Par Damien Bouet.

 

Depuis 2020, le cordier Les Deux Amis, ex Grandcopaise, est restauré dans les ateliers du Chantier Naval Bernard de Port-en-Bessin. Ce rare témoin de la pêche normande et de la charpenterie navale traditionnelle constitue un élément emblématique du patrimoine maritime normand.

De Cherbourg à Grandcamp

Pour faire face à la demande nouvelle et à la redynamisation du port, les chantiers cherbourgeois Barbanchon & Doucet lancent la construction d’un nouveau cordier pour Charles Doucet et Jules Houtteville, pêcheurs barfleurais. Le bateau est mis à l’eau en 1949, immatriculé comme « Dundee à voile et moteur » sous le matricule CH 3896 et baptisé Les Deux Amis. Il jauge au neuvage près de 21 tonnes, mesure 14,65 mètres de long et 4,66 mètres de large pour un tirant d’eau de 2,60 mètres. Il est équipé d’un moteur Baudouin de 65 ch.

Le bateau est construit pour la pêche aux cordes. Initialement basé à Cherbourg, l’équipage pêche en baie de Seine, mais aussi au large du Devon, dans la baie de Torbay, au sud-est de l’Angleterre. Dans les années 1970, le navire part à Grandcamp et il est modifié pour la pêche au chalut latéral et la drague, activité importante de ce port. Il est renommé Franck-Yannick et prend le matricule CN 169300. L’équipage, composé de trois ou quatre marins, alterne pêche au chalut et à la co…

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Étienne Fossey, dernier pêcheur à la corde de Cherbourg

Étienne Fossey à bord de son nouveau bateau de pêche Résilience, spécialement aménagé pour la pêche à la corde. (© Damien Bouet)


Damien Bouet

Extrait Patrimoine Normand n°135
Par Damien Bouet.

 

À contre-courant des pratiques industrielles, Étienne Fossey maintient la pêche à la corde à Cherbourg. Avec son catamaran Résilience, il incarne une pêche exigeante, sélective et fidèle à l’héritage des anciens cordiers.

À 29 ans, Étienne Fossey s’inscrit dans la longue tradition des cordiers cherbourgeois et perpétue la pêche à la palangre. Patron du dernier bateau de la rade à pratiquer cette technique tout au long de l’année, il reste fidèle à un savoir-faire développé dans le nord-Cotentin par les anciens pêcheurs. « Il n’y a jamais eu d’autres ports qui ont fait les cordes telles que nous on les pratique, avec des grosses cordes de gros diamètre pour cibler certaines espèces. C’est propre à Cherbourg, Barfleur et Saint-Vaast », précise-t-il.

Issu d’une famille d’agri- culteurs, Étienne se tourne pourtant vers la mer, attiré par la liberté, mais aussi par une culture du travail où règnent solidarité et égalité à bord. Entré dans la profession comme simple matelot, il suit en…

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La pêche à Cherbourg – Entre tradition et enjeux actuels

Bateaux de pêche dans le port de Cherbourg. Aujourd’hui, 5000 tonnes de poisson transitent par la criée. La flotte de pêche comprend 7 unités hauturières et 50 navires de pêche côtière. (© Damien Bouet)


Damien Bouet

Extrait Patrimoine Normand n°135
Par Damien Bouet.

 

Cherbourg apparaît aujourd’hui comme un port de pêche majeur en Normandie, une vocation pourtant récente à l’échelle de l’histoire de la cité cotentine…

Aux origines de la pêche à Cherbourg

Au Moyen Âge, la pêche est une activité marginale pratiquée par quelques locaux pour leur subsistance, comme en témoignent les quelques droits de pêche accordés au XVe siècle. La ville est alors avant tout une place forte, davantage tournée vers des ambitions militaires. En 1687, deux bateaux sont armés pour la chasse à la baleine, mais l’activité est fortement concurrencée par les équipages basques et disparaît à la fin du XVIIe siècle. La pêche tend à s’intensifier au XVIIIe siècle, notamment après la construction du bassin du Commerce. Barfleur reste néanmoins le principal port de pêche du Cotentin et concentre 255 pêcheurs, contre 123 à Cherbourg. L’activité est exclusivement côtière et se pratique avec des embarcations modestes.

Les armateurs cherbourgeois ne s’intéressent guère à la grande pêche, contrairement à Granville, Honfleur, et surtout Dieppe. En 1734, seuls trois bateaux sont armés pour pêcher la morue à Terre-Neuve, et le dernier terre-neuvier appa…

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La commanderie de Courval – À l’aube d’une renaissance

Commanderie de Courval. La chapelle date, pour ses parties les plus anciennes, de la seconde moitié du XIIe siècle. (© Stéphane William Gondoin)


Stéphane William Gondoin

Extrait Patrimoine Normand n°135
Par Stéphane William Gondoin.
 
 

Nichée au cœur du Bocage virois, l’ancienne commanderie templière de Courval s’apprête à entrer de plain-pied dans le troisième millénaire, après une longue période de sommeil et d’oubli. Guilleaume et Virginie Van Torhoudt l’ont achetée en novembre 2021 et entendent offrir une nouvelle vie à cette vieille dame qui a connu bien des vicissitudes.

« Les gens d’ici sont très attachés à ce site sans forcément bien connaître son histoire, explique Guilleaume Van Torhoudt. Ils savent qu’il s’agit de la plus ancienne ferme de ce secteur et ils en ressentent une certaine fierté. On venait là auparavant faire des photos pour les grands événements de l’existence, des mariages par exemple, et chacun a au moins un souvenir qui le relie à elle. Nous avons compris ce qu’elle représentait dans le cœur des habitants du Bocage lorsque nous l’avons ouverte pour la première fois au public en 2022, à l’occasion des Journées européennes du patrimoine : cinq cents visiteurs, curieux de nous rencontrer et d’en apprendre davantage sur notre projet. » Et quel projet !

 

Une chapelle comme point de repère

Mais avant de parler de l’avenir, évoquons le passé. Nous ignorons tout des conditions exactes de la fondation de la commanderie de Courval. On présume néanmoins que les seigneurs de Vassy n’y sont pas étrangers, dans la seconde moitié du XIIe siècle. Comme l’explique fort bien Michel Miguet, certains détails architecturaux de la chapelle permettent en effet d’établir une fourchette chronologique : « Les deux travées orientales, les plus an…

 

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Les Templiers – De l’histoire au mythe de Gisors

La motte castrale et le shell keep de Gisors, dominés par une haute tour maîtresse. (© Stéphane William Gondoin)


Stéphane William Gondoin

Extrait Patrimoine Normand n°135
Par Stéphane William Gondoin.
 
 

Octobre 1307. À l’aube de ce vendredi 13, jour depuis lors frappé du coin du malheur, Jean de Verretot, bailli de Caen, s’occupe en personne de la commanderie de Baugy. Des auxiliaires sûrs se présentent quant à eux à Bretteville-le-Rabet, Voismer, Courval et Louvigny, les autres commanderies de son ressort. Le premier acte d’un drame qui durera plus de six ans.

Les consignes sont claires : procéder à l’arrestation des templiers, chevaliers (nobles) ou sergents (non nobles), et recenser les biens de la commanderie. Dans le bailliage de Verretot, on interpelle un seul chevalier (Gautier de Bullens, à Voismer) et douze sergents, expédiés en prison à Caen. On dresse un inventaire complet de ce que l’on a saisi sur place. Adieu veaux, vaches, cochons, mais aussi moutons, chevaux, céréales des granges, tonneaux de vin, vaisselle, outils, draps…

 

Pour quels motifs ?

Certains reprochent bien des choses, et depuis longtemps, aux membres de la – désormais – feue « armée de Dieu », à commencer par leur responsabilité dans la perte de la Terre sainte, sans rien faire – dit-on – pour tenter de la récupérer. On dénonce surtout leur insatiable cupidité, à l’image du troubadour Despol qui, excusez du peu, convoque Dieu en personne et place dans sa bouche cette condamnation : « les temples et hospitaulx [templiers et hospitaliers, confon…

 

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Les Templiers en Normandie – Histoire d’un grand mythe

Les Templiers en Normandie. (Éditions Spart © Patrimoine Normand­­­­)


Stéphane William Gondoin

Extrait Patrimoine Normand n°135
Par Stéphane William Gondoin.
 
 

Le 27 novembre 1095, le pape Urbain II exhorte à Clermont la noblesse occidentale à se mettre « en route sous la conduite du Seigneur », afin d’arracher la Terre sainte des mains des « infidèles ». Cet appel précipite, l’année suivante, des milliers de guerriers sur les chemins menant vers Jérusalem, à l’image du duc de Normandie Robert II Courteheuse (1087-1106). Le 14 juillet 1099, ces « croisés », comme on les appellera bien plus tard, s’emparent de la ville, se livrant au passage à un carnage.

Les pèlerins occidentaux affluent désormais en Terre sainte, persuadés d’aller marcher dans les pas du Christ en toute sécurité. Fausse sécurité… Jacques de Vitry, évêque de Saint-Jean-d’Acre (1216-1226), explique dans son Histoire orientale que des « brigands et des ravisseurs infestaient les routes publiques, tendaient des embûches aux voyageurs qui s’avançaient sans défiance, en dépouillaient un grand nombre et en massacraient aussi quelques-uns ». Vers 1120, en réaction à ces périls, neuf chevaliers, menés par Hugues de Payns et Godefroy de Saint-Omer, « renonçant au monde et se consacrant au service du Christ, s’astreignirent par une profession de foi et des vœux solennels, prêtés entre les mains du patriarche de Jérusalem, à défendre les pèlerins contre ces brigands et ces hommes de sang, à protéger les routes publiques, à combattre pour le souverain Roi, en vivant comme des chanoines réguliers dans l’obéissance, la chasteté et sans propriété ».

La société médiévale est traditionnellement divisée en trois ordres : d’abord, ceux qui combattent par les armes, ensuite, ceux qui prient et, enfin, ceux qui travaillent pour nourrir tous les autres. On assiste donc ici à une fusion des deux premiers, dans une paradoxale communauté de guerriers-religieux. « Comme ils n’avaient pas encore d’église qui leur appartint, ni de résidence fixe, ajoute Jacques de Vitry, le seigneur roi [N.D.A. : Baudouin II (1118-1131)] leur accorda pour un temps une petite habitation dans une partie de son palais, auprès du temple du Seigneur. […] Et comme ils eurent dé…

 

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DOSSIER « LEs Templiers en Normandie » (17 pages) :


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La Fabrique de patrimoines en Normandie

Restauration d’un tableau par l’une des spécialistes du Labo, reflet de la palette d’actions menées par la Fabrique de patrimoines en Normandie. (Photo Rodolphe Corbin © Patrimoine Normand)


Damien Bouet

Extrait Patrimoine Normand n°135
Par Damien Bouet.

 

Créée en 2015, la Fabrique de patrimoines en Normandie s’est imposée comme un acteur incontournable de la conservation et de la transmission du patrimoine régional. Héritière de la fusion du CRéCET et de Normandie Patrimoine, elle se distingue en réunissant sous une même bannière un réseau de musées, un ethnopôle dédié à l’ethnologie en Normandie, et un laboratoire de conservation, restauration et imagerie scientifique.

Un service public culturel

Établissement public de coopération culturelle placé sous la co-tutelle de l’État et de la Région, la Fabrique – dirigée par Benjamin Findinier –s’adresse prioritairement aux institutions publiques et aux associations à but non lucratif, mais elle offre également son expertise au secteur privé et aux particuliers. Son champ d’intervention se concentre sur les biens mobiliers et le patrimoine immatériel ; elle n’intervient pas sur les édifices ou l’immobilier, dont le diagnostic reste du ressort des services des monuments historiques de l’État.

Ses missions vont du conseil en conservation préventive à l’appui scientifique et à la restauration d’œuvres. Par ailleurs, elle assure l’organisation d’un réseau de 140 musées normands, une meilleure connaissance des patrimoines ethnographiques et la diffusion de ces sa…

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L’enceinte fortifiée de la Cité de Limes

Vue aérienne du Camp de César en septembre 2024. Depuis le ciel se distingue nettement le tracé triangulaire de l’oppidum dominant la Manche et protégé au nord-ouest par la falaise. Cette perspective met en évidence la relation stratégique entre le site, ses défenses et le littoral environnant. (© Christophe Chappet – SRA Normandie)


Guillaume Blondel

Extrait Patrimoine Normand n°135
Par Guillaume Blondel.

 

Sous l’effet implacable de l’érosion marine, le littoral normand perd chaque année des pans entiers de son histoire. Parmi les sites les plus menacés, une forteresse gauloise, perchée au-dessus de la Manche, est lentement rongée par le recul inexorable des falaises.

Bien identifiée dans le paysage par un talus massif, une vaste enceinte fortifiée d’origine gauloise – connue sous le nom de Cité de Limes ou Camp de César – surplombe la Manche et la côte d’Albâtre à plus de soixante-dix mètres de hauteur. Cependant, le recul du trait de côte et les effondrements réguliers de la falaise de craie effacent progressivement les dernières traces d’occupation de ce remarquable témoignage de l’histoire du bassin dieppois qui est loin d’être un cas isolé. De fait, la DRAC Normandie conduit actuellement une démarche partenariale, à laquelle le service municipal d’archéologie de la Ville d’Eu est associé, en vue d’évaluer les sites menacés par l’érosion du littoral. Cette étude a ainsi été l’opportunité de relancer des recherches sur ce site his…

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La champignonnière d’Orbec – Entre mémoire et savoir-faire

La champignonnière a abrité au fil des siècles une vie sous terre dont subsistent diverses traces. Les exploitants s’astreignent à une récolte quotidienne, y compris les week-ends et jours fériés. (© Viriginie Michelland)


Virginie Michelland

Extrait Patrimoine Normand n°135
Par Virginie Michelland.

 

Depuis le XIVe siècle, la champignonnière d’Orbec a vécu plusieurs vies. Découverte émouvante et passionnante aux côtés des champignonnistes Stéphanie et Olivier Perrel.

Une vie sous terre

La champignonnière a été au fil des siècles le cadre d’une vie sous terre… Comment ne pas avoir une pensée pour les mains anonymes qui en ont griffé la voûte à coups de pioche ? Dans cette vallée fertile de l’Orbiquet, leur travail a permis l’implantation d’une petite ville, puis sa reconstruction pour tourner la page de la guerre de Cent Ans. Comme un symbole de ce renouveau, le clocher de l’église Notre-Dame émerge au-dessus des arbres. L’édifice est visible de la carrière, elle-même exploitée jusqu’au XIXe siècle.

Sous l’égide de la Croix-Rouge, ils passent de longues nuits sur des lits de fortune tout en sortant dans la journée pour traire les vaches, se décrasser dans l’Orbiquet, et même mettre au monde un bébé… Un semblant de vie normale s’organise, avec une répartition des tâches définie lors d’une réunion matinale, et un règlement intérieur qui im…

 

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Le château de Chambois – Une forteresse du Hiémois

Le donjon de Chambois fut édifié vers 1180 par un proche d’Henri II Plantagenêt, roi d’Angleterre et duc de Normandie et maître d’un vaste empire allant des Pyrénées à l’Écosse. Henri II favorisa l’essor d’une architecture militaire anglo-normande d’une grande rigueur, dont Chambois demeure l’un des modèles sur le continent. (Photo Rodolphe Corbin © Patrimoine Normand)


Damien Bouet

Extrait Patrimoine Normand n°135
Par Damien Bouet.

 

Dominant la haute vallée de la Dives, le château de Chambois surveillait jadis l’axe reliant Falaise à Exmes, dans l’Orne. Aujourd’hui, son donjon, l’un des mieux conservés de Normandie, témoigne encore de la puissance des forteresses anglo-normandes du XIIe siècle.

Un château anglo-normand

En 924, le comté du Hiémois est conquis par Rollon. Ce dernier le partage en centenies et dixainies. La châtellenie de Chambois est alors érigée en centenie, administrée par un vicaire. En 1024, Richard II de Normandie la concède à Drogon de Vexin, comte du Vexin et de Ponthieu. Un château existait peut-être déjà à cette époque, mais aucune trace archéologique ne permet d’en dessiner les contours. Chambois est confisquée en 1113 par Henri Ier Beauclerc et elle est confiée au futur Henri II Plantagenêt. Le donjon a été construit entre 1160 et 1190 par Guillaume de Mandeville, comte d’Essex et proche du roi Henri II.

Le château intègre les principes d’architecture communes aux constructions castrales Plantagenêt. Le donjon forme un grand rectangle orienté est-ouest de 21,40 mètres par 15,40 mètres, pour une hauteur totale de 26 mètres. Ses murs, construits en petit appareil irrégulier et revêtus d’un parement en pierres de taille, ont une épaisseur à la base de trois mètres. Sa morphologie rappelle le château de Bamburgh (Angleterre), construit quelques décennies plus tôt. Comme pour les exemples – outre-Manche – d’Hedingham, de Newcastle et de Dou…

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La forêt de Conches – Nature et évasion en pays d’Ouche

Le charme enveloppant de la forêt de Conches. (Photo Rodolphe Corbin © Patrimoine Normand)


Virginie Michelland

Extrait Patrimoine Normand n°135
Par Virginie Michelland.

 

Avec son charme enveloppant, ses multiples frémissements, son silence et ses chants d’oiseaux, la forêt dévoile volontiers ses mystères aux randonneurs, aux curieux et aux rêveurs… Celle de Conches a accueilli nos flâneries estivales. Découverte aux côtés de Paul Aubry, responsable du service environnement de la communauté de communes du Pays de Conches…

La forêt au fil du temps

Au cœur du département le plus boisé de Normandie, la forêt de Conches occupe une vaste étendue. Cette « grande tâche verte dessinée par le quadrilatère de 14 km de côté, dont les sommets sont les agglomérations de Conches, La Neuve-Lyre, Rugles et Breteuil » (Pierre Aubert) concède, au gré des défrichements, une place aux cultures, aux villes et aux villages. Le pays d’Ouche présente ici un paysage qui contraste avec celui du secteur voisin de Bernay et du Lieuvin, marqué par ses herbages, ses champs, ses vergers et un bocage très clairsemé.

Délaissant les forêts privées, comme le domaine de Lierru, nous avons accompagné Paul Aubry parmi les soixante-treize hectares de forêt appartenant à la communauté de communes du Pays de Conches. Le Pré Bourbeux en constitue le cœur battant. Accessible en quelques minutes depuis la gare SNCF, il forme un poumon vert, longé par la voie ferrée. Non loin de là, l’arboretum dessine, face au splen…

 

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Jean-François Millet – Artiste haguais

Le monument à Jean-François Millet à Gréville-Hague. Louis Derbré, 1998. (Photo Rodolphe Corbin © Patrimoine Normand)


Damien Bouet

Extrait Patrimoine Normand n°135
Par Damien Bouet.

 

À l’ombre du clocher de Gréville, dans la péninsule de la Hague, surgit la statue en bronze de Jean-François Millet, peintre prolixe de Normandie, pionnier de l’école de Barbizon. Sa vie, son œuvre, sa pensée s’enracinent dans cette Normandie profonde, marquée par les traditions paysannes multiséculaires. Les 150 ans de la mort du peintre, décédé le 20 janvier 1875, nous donnent l’occasion de revenir sur cet artiste normand, profondément ancré dans le terroir et la ruralité.

Une enfance dans la Hague

Jean-François Millet voit le jour le 4 octobre 1814, à Gruchy, petit hameau bordé par les falaises, au nord-est de Gréville-Hague. Aîné d’une fratrie de huit enfants, il est élevé dans une famille paysanne, entouré de ses frères et sœurs, son grand-oncle, Charles Millet, laboureur devenu prêtre réfractaire du diocèse d’Avranches, ainsi que sa grand-mère et marraine, Louise Jumelin, puritaine catholique qui participe fortement à son éducation.

Il grandit dans un milieu éclairé et entre à l’école à 6 ans. L’abbé Jean Lebrisseux remarque chez le garçon une intelligence singulière. Il lui enseigne le latin, la Bible, Virgile. Cette éducation religieuse profonde se retrouve dans plusieurs de ses œuvres. On reconnaît ainsi la figure de femmes apprenant à tricoter ou à lire à leur fille, figure rappelant sainte Anne éduquant la Vierge. Millet travaille ensuite aux champs avec son père tout en affinant sa for…

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Le marché de Buchy – De bois et de plume

Attesté depuis au moins 1227, le marché de Buchy se tient chaque lundi sous une longue bâtisse de bois, a priori datée du XVIIe siècle. (© Jean-Luc Péchinot)


Jean-Luc Péchinot

Extrait Patrimoine Normand n°135
Par Jean-Luc Péchinot.

 

La volaille que l’on achète vivante fait la renommée de l’un des marchés les plus pittoresques de Normandie. Celui de Buchy, au nord de Rouen, ses patrimoniales halles du XVIIe siècle méritant déjà un fier et tonitruant cocorico.

Ce lundi-là, la simple poule pondeuse était à 13 euros, la poule Gournay à 26 euros, la Padoue et l’Auracana à œuf bleu à 28, la Soie à 30, le coq Brahma à 30, la pintade à 18, le dindon à 45, la caille à 3, le pigeon à 10, la sarcelle à 25… Quatre ou cinq étals pour trouver son bonheur volailler, jusqu’à la robuste lapine Géant des Flandres et au rare canard de Duclair, ce palmipède étant à l’origine de la recette du canard au sang créée vers 1900 par Henri Denise, le chef de l’Hôtel de la Poste à Duclair, près de Rouen. Recette mondialement connue puisque devenue le durable chef-d’œu…

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Vitrailliste, un art de la patience et de la passion

Jack Bercy, à son domicile de Thury-Harcourt, présente le calque d’une future création pour une commande privée. (© Mireille Thiesse)


Mireille Thiesse

Extrait Patrimoine Normand n°135
Par Mireille Thiesse.

 

Vitrailliste, un métier qui implique un sens de la création, de la précision et de la patience. La connaissance parfaite des propriétés du verre, une bonne maîtrise de ses techniques de découpe et d’assemblage s’allient à une étude approfondie de l’histoire de l’art du vitrail. Jack Bercy, architecte DPLG et designer industriel, a aussi été formateur en BTS d’architecture intérieure. Il exerce son art de vitrailliste-céramiste en Suisse normande.

La restauration des vitraux d’église

C’est dans la sacristie de l’église de Pierrefitte-en-Cinglais, où il a restauré deux verrières datant de plus de 100 ans, que le vitrailliste Jack Bercy a souhaité présenter son travail. Les vitraux ont été réalisés de pièces de verre assemblées dans les baguettes de plomb profilées. « J’ai installé mon atelier ici entre août 2023 et octobre 2024, avec planches, tréteaux, et les portes ouvertes. Je voulais que les habitants découvrent mon travail de la dépose jusqu’à la mise en œu…

 

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De vallée en villages, un itinéraire en pays d’Ouche

Champignolles est une petite destination ressourçante et verdoyante. (© Michel Vassal)


Virginie Michelland

Extrait Patrimoine Normand n°134
Par Virginie Michelland.

 

Dans la vallée de la Risle, Champignolles est une petite destination au charme ineffable et discret… Animateur de randonnée pédestre au sein de Bernay Sentiers, Michel Vassal a choisi le village de quarante âmes comme point de départ d’un itinéraire en pays d’Ouche.

Une église aux couleurs du Pays d’Ouche

Nous empruntons pour commencer un sentier assez pentu qui se faufile au milieu des bois. Blotti au pied d’un coteau, Champignolles s’adosse à la forêt de Conches-en-Ouche. Le cadre verdoyant constitue l’un des atouts de la randonnée.

Le sentier longe le cimetière qui entoure l’église Saint-Gilles-Saint-Loup. Bâtie au début du XIIe siècle, cette dernière fait bon usage des matériaux traditionnels du pays d’Ouche, à commencer par le silex, qui forme avec la craie un damier du plus bel effet sur la chapelle sud-est, ajoutée au XVIe siècle. Le porche, les graffiti, les discrets éléments sculptés et le muret du cimetière renforcent son charme. Nous avons profité d’une exposition de peinture pour découvrir le décor intérieur, qui se dis…

 

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Le cécilium, un instrument original et unique

Duo céciliums ténor et ténor basse accompagné d’une vielle à roue. Pour Pascal Joulain, fondateur et secrétaire trésorier de l’Espace Musical : « Le cécilium ne doit pas rester dans une vitrine à l’abri du toucher. Il sort. Il a sa vie. C’est redevenu un véritable instrument de musique. » (© Fondation du patrimoine)


Michel Levron.

Extrait Patrimoine Normand n°134
Par Michel Levron.

 

C’est une singularité encore trop peu connue : la Normandie est (aussi) une terre musicale. Par la qualité et le nombre de ses compositeurs et interprètes bien sûr, mais aussi par ses luthiers. C’est pourquoi l’association l’Espace Musical, basée à Darnétal, œuvre pour la valorisation d’instruments créés et fabriqués dans la région. Parmi eux, une pièce remarquable et unique : le cécilium. Pas étonnant que la Fondation du patrimoine s’y intéresse…

La lutherie normande : une riche histoire trop souvent mal connue

 

L’histoire de la lutherie normande est d’abord liée aux abbayes, les instruments venant accompagner le chant religieux. Il en reste des témoignages iconographiques, notamment avec les anges musiciens (pierre, bois, vitrail…)

Puis Rouen s’imposera jusqu’au XVIe siècle comme centre européen de la facture d’orgues avec Jehan Titelouze (1562/63-1633), Charles Lefebvre (1670-1737) et son fils Jean-Baptiste-Nicolas (1705-1784). Pour sa part, le petit village de La Couture-Boussey (Eure) est considéré comme le « berceau français » de la fabrication des instruments à vent : musette de cour, flûte, clari…

 
 

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L’atelier Giordani – Des restaurateurs dans l’ombre des artisans d’hier

Camille Giordani au chevet du visage délicat de ce Christ. (© Virginie Michelland)


Virginie Michelland

Extrait Patrimoine Normand n°134
Par Virginie Michelland.

 

Dans l’ombre des artistes d’hier et d’avant-hier, les restaurateurs de monuments historiques perpétuent un savoir-faire discret et essentiel, qui sublime le passé pour lui offrir un avenir. L’atelier Giordani de Sotteville-lès-Rouen constitue notre talent normand pour ce nouveau numéro.

Commandes de prestige et petits chantiers

Lorsque Serge Giordani fonde son entreprise à Rouen en 2000, il est seul à la diriger. Vingt-cinq ans plus tard, sous la direction de sa fille, Camille Giordani-Morel, qui a repris les rênes avec son époux, Gwendal, directeur adjoint, l’équipe compte désormais vingt-et-un professionnels. Ensemble, ils enchaînent les commandes prestigieuses tout en s’investissant dans des projets plus modestes, notamment dans des églises rurales où de petits trésors méritent eux aussi de retrouver une nouvelle jeunesse.

C’est le cas à Brétigny, non loin de Bernay. Soutenue par son conseil municipal et par une association, Marie-Christine Join-Lambert, sa première édile, a courageusement entrepris la restauration de l’église Saint-Cyr- Sainte-Julitte, inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments histo…

 

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Cavelier de La Salle – Le Normand de l’Amérique française

Statue de Robert Cavelier de La Salle, Lincoln Park, Chicago. L’explorateur français passa effectivement par l’emplacement de la ville actuelle, lors de l’un de ses voyages sur le lac Michigan. (© Paul R. Burley – Travail personnel – CC BY-SA 4.0 – Wikimedia commons)


Stéphane William Gondoin

Extrait Patrimoine Normand n°134
Par Stéphane William Gondoin.

 

Si, de nos jours, notre Terre nous semble bien petite perdue dans l’immensité de l’univers, elle reste au XVIIe siècle un vaste espace à explorer et à conquérir. L’esprit d’aventure et la soif de découverte poussent des Européens à s’engager dans des expéditions au long cours qui les entraînent vers des contrées inconnues. Le Normand René-Robert Cavelier de La Salle appartient à ce cercle d’audacieux et passera à la postérité comme l’homme qui offrit une immense partie de l’Amérique du Nord au Roi-Soleil.

Robert naît à Rouen sans doute le 21 novembre 1643. Dans le registre des baptêmes de la paroisse de Saint-Herbland, église située à deux pas de la cathédrale, il apparaît le lendemain comme « fils d’honorable homme Jean Cavelier et de Catherine Gest ». Son père exerce la profession de « grossier mercier », c’est-à-dire de négociant en gros spécialisé dans les tissus. Son oncle, Henri Cavelier, pratique la même activité, mais il arme par ailleurs des navires à destination de ce que l’on appelle en ce temps la « Nouvelle-France », colonie implantée autour du vaste estuaire du fleuve Saint-Laurent, au Canada. De là, peut-être, le goût que développera le jeune homme pour les voyages.

 

Ennui chez les jésuites

On ne sait strictement rien des premières années de la vie de Robert. Il a au moins deux frères (Jean et Nicolas) et une sœur (Catherine). Vers l’âge de 9 ou 10 ans en…

 

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Abbaye-aux-Dames – La Sainte-Trinité de Caen

Abbaye-aux-Dames à Caen. (© Michel Dehaye)


Stéphane William Gondoin

Extrait Patrimoine Normand n°134
Par Stéphane William Gondoin.

 

Le 18 juin 1066. Toute la Normandie bruisse des préparatifs de l’expédition militaire que le duc Guillaume II (1035-1087) entend mener en Angleterre. Ce jour-là cependant, il délaisse ses obligations de commandement pour assister, aux côtés de son épouse, à la dédicace de l’abbatiale de la Trinité, à Caen, une ville qui a déjà acquis une grande importance.

­­­Après la révolte de quelques-uns de ses principaux vassaux du Cotentin et du Bessin, qui avaient manqué de le renverser en 1046-1047, Guillaume travaille en effet à établir un centre de pouvoir sous son contrôle aux portes des anciens territoires rebelles ; c’est sur Caen qu’il a porté son choix.

 

Le mariage de la discorde

Le duc a par ailleurs épousé Mathilde de Flandre, vers 1050, alors que le pape Léon IX (1049-1054) s’était clairement opposé à cette union au concile de Reims, l’année précédente. Les raisons de cette obstruction ne sont pas clairement établies. Elles s’appuient à l’évidence sur un empêchement canonique, les familles de Guillaume et de Mathilde ayant déjà conclu plusieurs alliances matrimoniales et les deux époux étant cousins au 5e degré. Ces prétextes dissimulent selon toute vraisemblance des motivations plus poli…

 

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La pêche au homard en Normandie – Une tradition millénaire

Homards fraîchement pêchés. (© Damien Bouet)


Damien Bouet

Extrait Patrimoine Normand n°134
Par Damien Bouet.

 

Sur les côtes accidentées de Normandie, la pêche au homard et, plus largement, aux crustacés est une tradition pluriséculaire.

Le homard en Normandie

Du normand hoummar et du vieux norrois hummarr, le homard a toujours été consommé en Normandie. Au Moyen Âge, notamment sur les côtes du Cotentin, dans les îles Anglo-Normandes et à Chausey, les populations profitent des marées pour pêcher dans les rochers. Le crustacé est davantage consommé par les classes populaires, puisque les produits de la mer sont alors dépréciés et jugés moins prestigieux que la viande.

Au XIXe siècle, la pêche au homard est structurée. Le développement de casiers adaptés permet une pêche ciblée. Avec l’essor du chemin de fer, les pêcheurs, en particulier ceux de Granville, Saint-Vaast-la-Hougue, Barfleur, ou Port-en-Bessin, l’exportent toujours plus loin, suscitant l’intérêt et la convoitise des palais parisiens. Au début du XXe siècle, le homard devient un mets de choix et il est de plus en plus recher…

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Les parlers normands – Histoire et spécificités

Les deux léopards normands, surnommés traditionnellement « cats » en parler normand, incarnent non seulement l’emblème régional, mais aussi la persistance de traits phonétiques spécifiques comme le maintien du son [k]. (Ph© Patrimoine Normand)


Extrait Patrimoine Normand n°134
Par Patrice Lajoye & Stéphane Laîné.

 

Du « cat » au « chat », il n’y a qu’un son… ou toute une histoire. Héritiers des dialectes d’oïl, les parlers normands possèdent des traits phonétiques que le français courant n’a pas (ou n’a plus). Entre curiosités linguistiques et traditions orales, voyage au cœur de patrimoine linguistique.

Les parlers normands font partie intégrante de la langue française, par l’origine et par beaucoup de leurs caractéristiques. Sur un plan historique, ils appartiennent au vaste ensemble des dialectes d’oïl et ils relèvent aujourd’hui de ce que les sociolinguistes nommeraient une variation diatopique (dans l’espace) du français standard (ou de référence).

Loin d’être isolés, les parlers normands ont connu au cours de leur évolution des phénomènes phonétiques qui ont concerné de nombreux autres parlers plus ou moins proches géographiquement. Ils appar…

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La forêt d’Eawy – Naturellement… normande !

Forêt d’Eawy, ou la promesse de randonnées sans fin dans une hêtraie d’exception. (© Stéphane William Gondoin)


Stéphane William Gondoin

Extrait Patrimoine Normand n°134
Par Stéphane William Gondoin.

 

Avec 13 % de son territoire boisé, la Normandie semble faire pâle figure quand la moyenne nationale du couvert forestier dépasse les 30 %. Cependant, la qualité de ses grands massifs la consacre comme une région d’excellence pour la sylviculture. Direction les portes du pays de Bray pour y découvrir l’une des plus belles hêtraies de Seine-Maritime.

Eawy ! Un nom étrange, un brin mystérieux, qui interroge d’emblée sur sa prononciation. Écartons tout de suite une éventuelle version anglicisée du type Iwi ou, pire, Iwouaï, ce toponyme ne devant strictement rien à nos amis d’outre-Manche. Sa racine est plutôt à rechercher du côté de la langue de nos lointains ancêtres médiévaux, pour qui eave (autres versions eauve, ive, iwe…) signifiait simplement « eau ». Alors choisissez la version que vous préférez, Éavi, Éaüi ou Éaoui (cette dernière ayant plutôt notre faveur…), personne ne vous en tiendra réellement rigueur !

 

Une forêt fragmentée

Eawy est un vestige des immenses massifs qui recouvraient le pays de Caux et le pays de Bray au haut Moyen Âge. La forêt domaniale occupe actuellement une superficie 6550 hectares. Elle s’étire entre la commune de Saint-Germain-d’Étables au nord, et celles de Saint-Saëns et de Maucomble au sud. La vallée de la Varenne forme sa limite ouest, et la boutonnière de Bray – une vaste dépres…

 

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Clécy, un village de caractère aux multiples facettes

Le viaduc de Clécy et les rochers des Parcs, emblèmes de la Suisse normande. (Photo Rodolphe Corbin © Patrimoine Normand)


Mireille Thiesse

Extrait Patrimoine Normand n°134
Par Mireille Thiesse.

 

Cette année, Clécy a porté les couleurs de la Normandie lors de l’édition 2025 du concours télévisé « Le Village préféré des Français ». Reconnue depuis le début du XXe siècle comme la capitale de la Suisse normande, la commune n’a jamais démenti sa réputation : son site exceptionnel — valorisé dès la Belle Époque par ses guinguettes en bordure de l’Orne — séduit estivants, randonneurs, amateurs d’escalade ou de parapente, ainsi qu’artistes peintres et photographes. Elle est également riche de ses origines et d’un patrimoine architectural fascinant.

­Une mosaïque polychrome

Vu de la route des Crêtes, le village de Clécy semble un bourg blotti autour de son église, à l’abri d’une boucle de l’Orne. En réalité, le fleuve borde la commune sur onze kilomètres et la sépare des rochers des Parcs, de la Houle et du Pain de Sucre, ces abruptes falaises que l’Orne a su contourner en de gracieux méandres. Le relief saillant est dû aux roches dures qui affleurent à l’extrémité d’un synclinal du Massif armoricain. Constituées d’un conglomérat gréseux ou poudingue d’aspect violacé, ces pierres se retrouvent dans les façades anciennes, notamment la tour-porche de l’église ou le manoir de Placy, construits au XVe siècle, et composent parfois une mosaïque polychrome avec des roches calcaires ou schistes cambriens ainsi que d’autres grès chargés de minéraux oxy…

 

 

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Ruchers de Normandie : un savoir-faire apicole en pays d’Ouche

Apicultrice en pays d’Ouche, Mélanie Boitrel vient de vivre un printemps exceptionnel. (© Kim à Paris)


Virginie Michelland

Extrait Patrimoine Normand n°134
Par Virginie Michelland.

 

Mélanie Boitrel vient de connaître avec Pierre, son conjoint, et Nicolas, leur salarié, un printemps 2025 exceptionnel ; la récompense méritée d’un investissement matériel et financier, mais surtout humain, consenti par ces apiculteurs du pays d’Ouche installés à Gisay-la-Coudre, hameau du Bosc-Roger (Mesnil-en-Ouche).

Un métier passion

Si Pierre a rejoint l’exploitation à l’enseigne Les Ruchers de Normandie au lendemain de la crise sanitaire et possède aujourd’hui, comme sa compagne, son propre cheptel de quatre cents ruches et deux cents essaims de renouvellement, Mélanie, installée en 2005, a consacré l’ensemble de sa vie professionnelle à ce métier passion, et consenti à bien des sacrifices, tout en menant de front sa vie de famille et la superbe restauration de sa maison. Des choix assumés pour cette fille d’agriculteurs…

« J’ai souhaité, de mon côté, vivre autrement de la terre. Après trois ans d’études d’agronomie, je me suis rapidement sentie happée par ma fascination pour les abeilles », confie la pa…

 

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Les îles Saint-Marcouf

Ancien thébaïde aux premiers temps du christianisme en Normandie, l’île du Large et son fort surveillent l’embouchure de la baie des Veys. (© Frédéric Almaviva)


Damien Bouet

Extrait Patrimoine Normand n°134
Par Damien Bouet.
 
 

Dernière escale de notre périple insulaire, l’archipel de Saint-Marcouf émerge, solitaire, à sept kilomètres au large du Cotentin. Composé de l’île de Terre et de l’île du Large, il forme un chapelet rocheux battu par les vents, dont l’histoire singulière tisse un lien direct entre l’érémitisme des premiers temps chrétiens et les tumultes géopolitiques de la Manche.

De l’ermitage au repère de corsaires

Visibles de la côte depuis Ravenoville, mais plutôt inhospitalières, les îles sont appelées Duo limones, les deux limons, et restent inhabitées jusqu’à l’aube du Moyen Âge. Durant la première moitié du vie siècle, saint Marcouf, moine évangélisateur d’origine barbare, fonde une abbaye sur le domaine de Nantus, l’actuel Saint-Marcouf-de-l’Isle, sur donation du roi Childebert, le fils de Clovis. Très vite, il part s’isoler sur les îles Saint-Marcouf. Progressivement, l’établissement monastique se développe grâce aux nombreuses donations. Entre les IXe et Xe siècles, Nantus est abandonnée face aux Vikings et les reliques de Marcouf sont déménagées dans l’Aisne, à Corbeny.

Au XIe siècle, selon la tradition, une église est construite sur les ruines de l’abbatiale. Dès la fin du XIe siècle, des bénédictins de Cerisy-la-Forêt s’installent sur l’archipel, qui leur est donné en 1120. Ils y construisent un moulin et un ermitage. Abandonné au milieu du XIIIe siècle, il n’est réo…

 

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DOSSIER « Les îles de Normandie » (18 pages) :


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