Le Havre a tenu un rôle dans le commerce esclavagiste

Les Normands se sont aussi impliqués dans le commerce esclavagiste du XVIe au XIXe siècles. Cet épisode historique est raconté dans trois expositions et quatre lieux régionaux. Première partie sur ce passé tombé dans l’oubli dans Fortunes et servitudes à l’Hôtel Dubocage à Bléville et à la Maison de l’Armateur au Havre.

Au Havre, il n’y a plus de traces du commerce triangulaire dans l’espace public depuis les bombardements de la ville. En revanche, il reste de nombreux documents d’archives retraçant la déportation et l’exploitation d’hommes, de femmes et d’enfants africains rendues possibles grâce à la mise en place d’un système économique et commercial lucratif soutenu par l’État. Des familles havraises, une soixantaine, telles que les Foäche, Bégouen Demeaux, Chauvel, Féray, y ont largement contribué.

Toute cette histoire, encore méconnue, est racontée jusqu’au 10 novembre à l’Hôtel du Bocage à Bléville, complètement réaménagé, à travers 200 œuvres, issues des collections, comme des documents d’archives, des cartes, des peintures, des sculptures, de la vaisselle et des instruments d’asservissement. Fortunes et servitudes est la première des trois expositions régionales sur l’Esclavage, mémoires normandes, reconnues d’intérêt national par le ministère de la Culture.

C’est un riche parcours en huit étapes pour comprendre la mise en place et la rentabilité de ce commerce et de la traitre atlantique. Il commence par un rappel du contexte historique  : une période de grandes découvertes de matières premières et de denrées alimentaires dans les Antilles, comme le café, le cacao, la canne à sucre, le tabac… « Il y a une demande de la part des élites pour tous ces produits. On exploite alors les populations locales. Comme on manque de main d’œuvre pour extraire ces ressources, on va la chercher en Afrique contre des biens précieux », rappelle Emmanuelle Riand, co-commissaire de l’exposition et directrice des musées d’art et d’histoire du Havre.

L’exposition revient non seulement sur l’histoire mais aussi sur la géographie du négoce. Il est évidemment question des conditions effroyables de traversées, de travail et de vie des personnes déportées. Des plans montrent l’emplacement des captifs entassés dans les navires. Il pouvait y avoir jusqu’à 450 personnes. Les capitaines des bateaux tenaient des journaux de bord pour attester des décès des passages captifs. « Ce n’était pas dans un souci d’humanité mais seulement de rendre compte, indique Emmanuelle Riand. Ils avaient la responsabilité de ces personnes ». Avec un souci du détail, ces documents évoquent les décès, les événements à bord, les mouvements de révolte sévèrement réprimés, le destin funeste de chaque captif, travailleur esclave dans les exploitations agricoles.

Se construit ainsi tout un réseau industriel, commercial et financier, peu dénoncé à l’époque. Pourtant, il était bien connu au Havre parce qu’il a fait l’objet de débats. Certains le soutenaient fermement pour s’assurer une prospérité économique. Avec des mots bien choisi, l’abbé Dicquemare s’est élevé contre la traite atlantique. L’exposition se termine par quelques témoignages en faveur de l’abolition de l’esclavage. Comme celui de Bernardin de Saint-Pierre, auteur de Paul de Virginie.

Infos pratiques

  • Jusqu’au 10 novembre, tous les jours, sauf le mardi, de 10 heures à 12h30 et de 13h45 à 18 heures, à l’Hôtel du Bocage de Bléville au Havre
  • Tarifs : 5 €, 3 €
  • Renseignements au 02 79 92 77 70 ou en ligne