Vincent Blanchard : « je veux ressentir un manque »

Joad a 14 ans et donne un dernier concert, avant une pause longue ou définitive, vendredi 12 mai au Trianon transatlantique à Sotteville-lès-Rouen. Durant ces années, le groupe rouennais est resté fidèle à un rock teinté de pop et de folk pour porter des textes sincères et revendicatifs. Un concert pour entendre des titres issus des différents albums et six inédits. Entretien avec Vincent Blanchard, auteur, compositeur, chanteur et guitariste de Joad.

Mettre fin à l’histoire d’un groupe, est-ce une décision compliquée à prendre ?

Oui quand même mais pas si difficile parce qu’elle était nécessaire. Il y a quelque chose de salvateur. Je n’avais pas envie de voir le groupe dépérir, être à l’agonie. La décision d’arrêter est douloureuse mais salvatrice. Les relations entre les membres du groupe sont très bonnes. L’argument est purement artistique. Nous avons sorti peu de nouveaux titres ces derniers temps et, moi, j’ai besoin de passer à autre chose.

Comment avez-vous traversé toutes ces années avec Joad ?

Il y a une espèce de leitmotiv dans la vie d’un groupe. Il faut faire et s’inventer tout le temps. Personne nous oblige à écrire une chanson. Or, c’est vital d’écrire, de jouer en public. Régulièrement, il faut avoir de nouvelles idées, créer des événements, donner des concerts. Comme s’il fallait remettre à chaque fois une pièce dans la machine. Mais cette fois, il n’y a plus de pièce. 14 ans, ça passe vite. Aujourd’hui, il est temps d’aller découvrir autre chose pour trouver de nouvelles idées.

Est-ce difficile de préparer un dernier concert ?

Non, pas du tout. Cela n’a jamais été aussi facile de préparer un concert parce qu’il n’y a plus de pression. Sur scène, il faut aller conquérir. C’est toujours une petite lutte qualitative dans l’interprétation. Pour le public qui connaît le groupe, il vient pour ce que nous savons faire. Pour l’autre, il doit repartir avec des images dans la tête. Là, nous avons envie de passer un bon moment. C’est un vrai soulagement.

Êtes-vous allés piocher dans tous les albums ?

Nous allons rejouer d’anciennes chansons, en les revisitant, et quelques nouvelles. Il y aura des petits événements à l’intérieur des morceaux. Nous allons ressortir nos effets et nos astuces de scène.

Quelle sera la suite pour vous ?

Je vais commencer par lire les livres et écouter les albums que j’ai achetés et que je n’ai pas eu le temps de lire et d’écouter. Même au cinéma, j’ai pris du retard. Je fais une pause pour aller me nourrir, sortir de mes certitudes, oublier mes recettes. Avec le temps, la colère n’est plus tout à fait la même. Je me sens aussi perdu. Le monde évolue, change très vite. Il suffit de voir la façon de consommer la musique. Je vais attendre pour voir ce qui va me démanger. En fait, je veux ressentir un manque.

Que devient La Folk Revue ?

Je vais continuer parce que je ne l’ai pas tant jouée. Je prends un réel plaisir à raconter à ma façon cette histoire qui n’est pas la mienne et que j’aime.

Quel rapport entretiendrez-vous avec vos instruments ?

Il ne faut pas s’arrêter d’exercer. La pratique de l’instrument est nécessaire même si parfois on a l’impression de ne plus progresser. Je vais me mettre sérieusement au piano. C’est un instrument qui n’est pas le mien au départ. C’est aussi un de mes buts.

En parallèle à l’écriture des chansons, il y a la composition de bande originale pour le cinéma. Vous avez signé la musique de Guy d’Alex Lutz.

Ce n’est tellement pas la même écriture. La façon de travailler est complètement différente. Pour un film, il faut être en dialogue avec le réalisateur. Un duo se crée et doit se comprendre. Quand j’écris une chanson, je sais où je veux aller. La composition pour le cinéma, c’est comme le travail d’un écrivain. Je suis seul avec ma guitare ou au piano.

Une réelle complicité est née entre Alex Lutz et vous.

Ma relation avec Alex Lutz est saine et franche. Avec le temps, nous nous comprenons davantage. C’est un artiste très exigeant qui a une vision des choses. Il a tellement d’idées que c’est trippant. Il m’extrait de ma zone de confort. Avec lui, je fais plein de choses. Et cela lui tient à cœur de les faire avec moi. J’ai écrit la musique d’Une Nuit, un film qui sort début juillet avec Karin Viard. Alex a un autre projet de film en 2024. Et la cerise sur la gâteau, c’est la création d’un spectacle avec lui et une tournée.

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