
Les premiers « ennuis » avec la Ville de Rouen ont commencé en 2015. En décembre 2018, la Ville lui a refusé de se produire place Saint-Marc. La tension est montée d’un cran depuis. (©RT/76actu)
Anton Lassarre s’est fait remarquer dans le télé-crochet « Nouvelle star » en 2016. Le Rouennais continue de faire parler de lui aujourd’hui. Quand nombre de badauds profitent de ses shows, certains riverains et commerçants du centre-ville se plaignent de nuisances sonores. La Ville tente de lui faire baisser le volume. En décembre 2018, les tensions entre la mairie et le chanteur ont atteint leur paroxysme. Anton dénonce une atteinte à sa liberté d’expression.
« On m’interdit de m’exprimer librement »
L’artiste âgé de 29 ans s’est récemment mis sur le devant de la scène lors des rassemblements des Gilets jaunes dans la capitale normande. Il est même devenu pour certains « le chanteur emblématique » du mouvement, alors que lui-même ne se revendique pas Gilet jaune. Le samedi 5 janvier, pendant l’acte VIII, Anton s’est placé entre les manifestants et la police, guitare à la main. Il a souhaité « intervenir de manière libre », « parce qu’on m’interdit de le faire, on m’emmerde », avait-il témoigné auprès de 76actu.
Plusieurs plaintes du voisinage
« Mes ennuis avec la Ville ont commencé en 2015 », au retour d’Anton de Londres. Les premières amendes pour « bruit portant atteinte à la santé de l’homme et à la tranquillité du voisinage » sont tombées. Seulement, le jeune homme ayant fait quelques mois de prison pour des faits de nature privée, il assure ne pas avoir pu payer la totalité. « J’étais enfermé. » Sa dette : 1 200 euros. « À cause de cela, mes amendes se sont transformées en trois mois de prison supplémentaires. »
Depuis qu’il est sorti de ces quatre murs, en juillet 2017, Anton a repris sa guitare et son micro. Les voisins de ses concerts improvisés se sont de nouveau plaints, les amendes ont plu. « Nous avons reçu des plaintes en nombre suffisant pour qu’on décide d’intervenir. Ce musicien a été verbalisé à plusieurs reprises, mais il s’en moque. On a été extrêmement patient avec lui », argumente le cabinet du maire de Rouen.
Aujourd’hui, Anton a 27 amendes non-payées. La police municipale ne le loupe pas, mais « volontairement », la « star » du télé-crochet ne paie pas :
La Ville veut me casser, parce que je dérange le business des commerçants, mais je l’assume. Je le prends comme une atteinte à ma liberté d’expression.
L’homme se sent « méprisé par Rouen », ville dont il est pourtant fier. « Quand je me produis à l’extérieur, ils veulent que je dise que je viens de Paris ? », s’agace Anton.
« Les travaux ne font pas de bruit peut-être… »

Anton devant du cortège des Gilets jaunes lors du rassemblement à Rouen, samedi 5 janvier 2019, juste avant une charge par la police. (©RT/76actu)
La tension est montée d’un cran en décembre, lorsque Anton a demandé l’autorisation de se produire régulièrement place Saint-Marc (voir ci-dessous). Seulement quelques heures après avoir reçu le précieux sésame, les services de la mairie se sont ravisés dans un mail que nous avons pu consulter : « Les différents troubles, que vous avez causés, et qui portent atteinte à la tranquillité publique, ne permettent pas de donner une suite favorable à votre demande. Ces faits ont été constatés en 2016, 2017, mais également en cette année 2018 : guitare avec amplificateur, musique forte, répétitive, refus d’obtempérer. »
Car les autorités lui reprochent en fait une chose : de jouer trop fort, avec son ampli de 80 watts. « On lui a demandé de jouer moins fort à plusieurs reprises. On ne peut pas faire de la musique amplifiée comme ça. Il y a des règles à respecter. Si demain, il joue moins fort, il n’y aura plus de sujet », certifie la Ville.
« Rouen est en travaux depuis cinq ans. Ça ne fait pas de bruit ça peut-être », peste celui qui se retrouve souvent à l’unisson avec les marteaux-piqueurs. Anton n’est pas prêt à couper le son de son ampli : « Plus on me demande d’arrêter, plus j’ai envie de jouer plus fort. »
Le jeune musicien dit avoir trouvé là sa raison d’être après avoir travaillé dans un magasin de prêt-à-porter et dans une boutique de restauration. « Je ne voulais pas passer ma vie à tenir un plateau. » Avec des revenus au chapeau allant jusqu’à 10 000 euros par mois l’été et jusqu’à 3 000 euros mensuel l’hiver, il a vite « compris que ça pouvait être une alternative au train-train de la vie qu’on mène tous ».
Saisie du matériel
La ville se dit prête « à saisir son matériel ». Une décision notifiée à l’intéressé lundi 25 février. Face à la menace, Anton semble enclin à se « calmer » :
Je serais prêt à payer mes amendes, me remettre en question et à rencontrer les gens de la mairie, mais je ne veux pas qu’on m’empêche de m’exprimer !
Un compromis pourra-t-il être trouvé ? Une chose est sûre, Anton se produira sur le très beau bateau l’Étoile du Roy, le 7 juin, « le jour de mon anniversaire ». Un événement privé organisé dans le cadre de l’Armada de Rouen.
• DOCUMENT. Le courrier de la mairie autorisant Anton a se produire place Saint-Marc :

Le courrier de la mairie daté du 10 décembre 2018. (©DR)