L'Histoire se fait avec les faits et avec la mémoire des faits. Et une vraie recherche historique doit, en permanence, questionner autant les faits en critiquant et en renouvelant les sources documentaires que la mémoire des faits pour éviter la propagande, l'histoire sainte, la mythologie:
La recherche historique n'est pas négationniste, elle est, par sa nature même, révisionniste car il s'agit de mener une enquête pour la vérité des faits et pour la vérité de la mémoire.
Cela importe tout particulièrement lorsque les faits sont tragiques voire criminels, lorsque les criminels ne sont pas ceux qu'on aurait souhaité tels et que la mémoire qui résulte de ces faits historiques tragiques est doublement blessée tant par le crime de guerre dont il est question ci-après que par le fait que cette mémoire, la mémoire de populations normandes civiles bombardées, avait été longtemps refoulée dans l'oubli parce que politiquement illégitime.
Retour donc sur ce tragique bombardement américain de l'été 1942 dans le ciel rouennais: Ne pas oublier!
Rouen. Le bombardement américain d’août 1942 à la télévision mardi 12 mai
Histoire. Le 17 août 1942 des bombes américaines pleuvent, sans bien toucher leur cible, la gare de Sotteville. RMC découverte explore ce fiasco.
L’histoire est connue des Rouennais les plus anciens, de ceux qui l’ont vécue dans leur chair comme l’historien Paul Le Trévier qui y a perdu une grande partie de sa famille et qui a déterré l’histoire mise en documentaire par Emmanuel Amara. C’est le fiasco du raid américain du 17 août 1942, qui a provoqué des dizaines de morts civiles et des centaines de blessés sans réellement ralentir la machine de guerre nazie. La chaîne RMC, ce mardi 12 mai, consacre son antenne en prime time à l’affaire, ainsi qu’aux bombardements ayant meurtri voire anéanti Royan et le Havre.
En 1942, l’Amérique n’est pas encore réellement entrée en guerre en Europe et, à la suite de la bataille d’Angleterre remportée par les Spitfire britanniques, son aviation militaire a besoin de s’affirmer, de poser une doctrine d’emploi. La cible est choisie : ce sera la gare de triage de Sotteville-lès-Rouen, grosse installation réputée facile pour des aviateurs débutants.
Ce sera surtout le choix d’une tactique : un bombardement de jour depuis une haute altitude avec des B-17, dont c’est le tout premier raid en Europe, volant en formation triangulaire pour se protéger mutuellement.
Douze bombardiers et cinquante chasseurs sont mobilisés et l’orage d’acier se déchaîne... à côté, sur le quartier du Boulingrin, sur Sotteville, mais très peu sur l’énorme gare où les dégâts sont si minimes qu’ils seront réparés en quelques heures. Pourquoi un tel fiasco ? Ce n’est pas seulement parce que le bombardier de tête était surnommé « La Boucherie ».
Le mythe du bombardement de précision
Le documentariste Emmanuel Amara revient sur les enjeux de ce raid, détaille que la machine de guerre américaine y a trouvé l’occasion majeure de faire de la propagande sur son sol national tandis que de ce bombardement, selon l’historien Andrew Knapp, « est né le mythe du bombardement de précision ». Un mythe qui a voué à l’enfer des villes allemandes comme Hambourg ou Dresde et qui a perduré jusqu’à aujourd’hui.
« Toutes les sources, tous les documents, étaient facilement accessibles, explique Emmanuel Amara. Le plus compliqué a été de redonner un vrai sens à cette histoire connue des Rouennais, car les images utilisées ont souvent été diffusées comme propagande, sorties de leur vrai contexte. »
À la caméra du documentariste se succèdent des historiens, qu’ils soient européens ou américains, des témoins de l’époque qui ont entendu les bombes siffler, ont vécu le chaos et la désolation, et des images d’archives. Malgré le fiasco, l’imprécision totale de ce bombardement, les Américains « n’ont jamais exprimé le moindre regret », détaille Emmanuel Amara. Ce raid, c’était pour eux la pierre fondatrice de toute une doctrine militaire d’emploi de leurs bombardiers et l’annonce de leur suprématie aérienne par rapport à la tactique anglaise. Ils n’allaient pas mettre en péril ces acquis au nom de la vérité...
Soirée « bombardements » sur RMC découverte le mardi 12 mai : 21 h 05, « Rouen sous les bombes alliées ». 22 h 05 « Royan sous les bombes alliées ». 23 h 05 « Le Havre sous les bombes alliées ».
On peut aussi revoir ce remarquable documentaire télévisé (complet et assez rude, il faut bien le dire, pour nos consciences normandes) proposé par France 5 en 2018 sur ce qui doit être désormais considéré comme un... crime de guerre par urbicide:
En effet, le ciel et les objectifs "militaires" normands ont été le théâtre d'une expérimentation qui ne se passera évidemment pas comme prévu:
Le viseur d'altitude de précision "Norden" embarqué pour la première fois dans les avions bombardiers de l'US airforce n'a pas fait ses preuves... Les bombes américaines s'éparpillèrent dans le ciel rouennais avec les conséquences tragiques que nous savons. Le viseur Norden sera en revanche plus efficace au dessus d'Hiroshima et de Nagazaki avec les conséquences tragiques que nous savons.
https://www.youtube.com/watch?v=B5AqFUogwzA
De Rouen à Hiroshima, la guerre en plein ciel